Questions à Stéphane Jouteux, syndicaliste (informatique des compagnies aériennes, Sophia-Antipolis)
Tu as signé l’appel pour l’unité pour le retrait du projet de réforme des retraites. Pourquoi ?Je ne veux pas d’une nouvelle régression de mes droits à la retraite. En 1993, je pensais partir à 62 ans et demi.
Aujourd’hui, j’en suis rendu à 66 ans et demi et si le gouvernement allonge la durée de cotisation à 44 ans comme je peux le lire ici ou là dans la presse, je devrai prolonger mon activité professionnelle jusqu’à 69 ans. En ce qui me concerne et comme beaucoup de gens autour de moi, c’est non.
Un gouvernement de gauche appelle au dialogue et à la concertation avec les organisations syndicales.
C’est plutôt une bonne chose. Pourquoi appeler au retrait de la réforme plutôt que négocier ?Comme syndicaliste, je ne m’occupe pas de la couleur politique du gouvernement. Avec ce gouvernement, on a vu où a mené le dialogue social avec une loi qui casse des pans entiers du Code du Travail comme jamais cela n’était arrivé depuis 1945. Sur les retraites, j’ai toujours entendu les gouvernements nous dire : il y aura le dialogue social et la concertation. Dans ce cadre, chacun peut faire ses propositions et les soumettre au débat : où faut-il mettre le curseur de l’âge de départ et de la durée de cotisation, faut-il augmenter la CSG et de combien, ... On peut même avoir des positions plus radicales et demander le retour aux 37,5 annuités de cotisations. Tout est permis y compris les manifestations et les grèves, à partir du moment où on se situe dans le cadre du dialogue social et de la concertation.
Et on sait comment ca finit : dans la multitude des propositions, il faut faire des choix et la réforme passe parce que, in fine, l’objectif est de ponctionner 20 milliards sur les retraites. La seule chose qu’il ne faut surtout pas dire
- c’est un peu comme un gros mot - c’est le retrait de la réforme et la grève nationale interprofessionnelle comme moyen d’action. Justement, parce que c’est le seul moyen de rassembler les salariés pour faire reculer le gouvernement.
Un responsable confédéral de la CGT a récemment déclaré qu’il ne fallait pas se laisser enfermer dans la stigmatisation du refus, mais développer la mobilisation à partir de propositions pour une autre réforme des retraites.
Il faut dire les choses clairement : on veut nous refaire le coup de 2010 avec une autre réforme et la reconstruction de l’unité avec la CFDT. Mais beaucoup, notamment parmi mes collègues qui se sont mobilisés en 2010, savent que cela nous a mené à l’échec. Pour nous, il n’est pas question de recommencer.Pourtant, un sondage récent dit que les salariés veulent l’unité.
Bien sur qu’il faut l’unité, mais l’unité sur quelles bases ? La CFDT revendique ouvertement l’augmentation de la CSG et le basculement du financement de la protection sociale des cotisations vers l’impôt. Elle vient de signer l’accord qui désindexe les retraites complémentaires de l’inflation, prenant ainsi la responsabilité d’une nouvelle baisse du montant des pensions et donnant un argument au gouvernement pour désindexer les pensions du régime général. Sur la durée de cotisation, le secrétaire général de la CFDT vient de déclarer «
qu’entre âge de départ et durée de cotisation, le paramètre le plus juste était la durée de cotisation
». Comment voulez-vous faire l’unité sur ces bases ? C’est impossible. Il faut une position claire : sur les retraites comme sur la réforme du Code du Travail, c’est non ! L’unité doit se réaliser pour contraindre le gouvernement à retirer son projet.
Comment régler de déficit des régimes alors ?Selon les chiffres officiels de la caisse nationale des URSSAF (1), les patrons bénéficient chaque année de 20 à 30 milliards d’exonérations de cotisations sociales, en vertu des dispositifs multiples votés par les gouvernements de droite comme de gauche depuis 1991. Que les employeurs paient ce qu’ils doivent à la Sécurité Sociale et il n’y aura plus de déficit.
Pourquoi personne n’en parle si c’est si simple ?
Parce que sous la pression du chantage à l’emploi, il y a un consensus pour maintenir ces exonérations. La seule réforme qui soit envisageable par le gouvernement et par l’Union Européenne consiste à prélever 20 milliards sur les retraites par une remise en cause des droits des salariés. Dans ce cadre, il n’y a rien à négocier. Il faut dire non.
(1) http://www.acoss.fr/index.php?option=content&task=blogcategory&id=140&Itemid=5509
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire