De bout en bout, la Ve République est un régime réactionnaire antidémocratique. A quelques jours d’intervalle, le gouvernement réquisitionne les grévistes des dépôts d’essence, menace de réquisition les éboueurs en grève, et fait voter par un Parlement aux ordres une contre-réforme qui dresse contre elle l’immense majorité de la population !
La réquisition est une atteinte majeure au droit de grève, une déclaration de guerre contre la classe ouvrière dans son ensemble et contre la démocratie.
Il faut remonter à 1963, lorsque de Gaulle décréta la réquisition des mineurs, pour trouver un précédent. A l’époque, notre journal dénonçait cette tentative de « porter un coup décisif au mouvement ouvrier » visant à faciliter « le processus d’intégration des syndicats dans l’Etat » et concluait que « la grève générale (est la — NDR) seule riposte valable à la réquisition si les dirigeants entendent résister » (1).
Aujourd’hui encore, tout est là : « si les dirigeants entendent résister »…
Reprenons le calendrier. 19 octobre : pour la sixième fois, des millions de travailleurs en grève et en manifestation exigent le retrait de la contre-réforme Sarkozy-Fillon-Woerth. A la SNCF, dans de nombreux secteurs du public comme du privé, la grève est reconduite par les assemblées générales, souvent depuis le 12 octobre. Autour des raffineries et des dépôts d’essence, comme parmi les travailleurs territoriaux, notamment ceux du nettoiement (à Marseille et dans d’autres villes), s’exprime un mouvement vers le blocage du pays, pour contraindre une fois pour toutes le gouvernement à reculer. Deux jours plus tard, le 21 octobre, l’intersyndicale (CFDT, CFE/CGC, CFTC, CGT, FSU, UNSA) se réunit. Son communiqué ignore l’exigence du retrait et de la grève pour le retrait. Il prétend que « des millions de salariés affirment vouloir une autre réforme des retraites » et s’engage à « veiller au respect des biens ». Dans les 48 heures qui suivent, les réquisitions commencent, suivies de l’adoption de la contre-réforme à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Chérèque déclare alors qu’« une loi est toujours perfectible » et annonce l’ouverture de négociations avec le Medef dans le cadre de l’application de la contre-réforme. De son côté, Bernard Thibault affirme que le mouvement contre la réforme des retraites « continuerait » en prenant « d’autres formes ».
Quant au Parti socialiste… n’a-t-on pas entendu certains de ses élus menacer eux aussi de réquisition les éboueurs en grève ? Il est vrai que le 20 octobre, le Parlement européen adoptait des recommandations visant à la mise en place des fonds de pension, de la santé en ligne, des partenariats public-privé et du respect des disciplines budgétaires, dans une résolution basée sur un rapport présenté par la députée du PS français, Pervenche Berès.
C’est bien dans cette subordination aux institutions anti ouvrières de la Ve République et de l’Union européenne que s’enracinent les barrages auxquels se heurte la lutte de classe acharnée des travailleurs et militants unis contre la réforme Sarkozy-Fillon-Woerth. C’est bien là, dans ces barrages, que le gouvernement prétend puiser les forces qui lui permettront de jouer le pourrissement.
Il n’en reste pas moins que la classe ouvrière se bat. Bloquer la contre-réforme Sarkozy-Fillon-Woerth, bloquer toutes les contre-réformes constitue plus que jamais l’ordre du jour ouvrier. Ces questions sont au centre de la préparation de la conférence du 11 décembre.
(1) Informations ouvrières nos 146 et 147, 9 et 16 mars 1963.
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